Diamant de la cuisine d’après Brillat-Savarin ou encore Perle noire pour Fulbert Dumonteil : la Tuber melanosporum – melano pour les connaisseurs et les professionnels, reste un produit rare, cher, magique et mystérieux.
La truffe, qu’elle soit blanche, noire ou grise a toujours fait rêver les épicuriens et ce depuis l’Antiquité. Mais il faudra attendre Brillat-Savarin (célèbre auteur de la Physiologie du Goût au XVIIIème siècle) pour lui donner ses véritables lettres de noblesse. On retrouve la première trace de ce champignon dans la littérature dès 300 avant JC. Considéré alors comme « végétal engendré par les pluies d’automne accompagnées de coups de tonnerre » par Théophraste, élève d’Aristote, 300 ans plus tard, Apicius, célèbre gastronome romain et cuisinier de l’empereur Tibère, la considérait comme un « présent des dieux ». Produit mystique, la truffe porte en elle son lot d’attributs et de légendes. Puissant aphrodisiaque sous François Ier, elle aurait également servi de monnaie d’échange ou de précieux présent dans l’Europe royaliste.
La trufficulture se développa fortement au XIXème siècle. Un grand nombre de vignerons de l’époque se reconvertirent en trufficultures après l’abandon des vignes ravagées par le phylloxera (maladie engendrée par un puceron d’Amérique du Nord) dans toute l’Europe en 1863. Comprenant comment poussent les truffes, ils installent les premières plantations truffières. La truffe devient un produit de luxe et apparaît sur les menus des plus grands restaurants. Les deux guerres mondiales, l’exode rural et l’agriculture intensive viennent toutefois briser cet essor de la trufficulture, appauvrissant les sols et faisant considérablement chuter la production de truffes. La truffe revient en force seulement à partir des années 60. Les cultures truffières sont alors relancées mais les quantités récoltées sont dix fois moins importantes qu’au 19ème siècle. En France, la production de truffe étant variable au fil des années, elle est devenue un des produits les plus luxueux au monde.
Vous entendez souvent parler de Tuber Melanosporum, Tuber Magnatum, Uncinatum ou même malheureusement parfois d’Indicum. Tous ces noms de camp de militaires romains ne représentent qu’un tout petit panel des variétés de truffes. En effet, il existe plus de 250 variétés différentes de truffes. Toutes ne sont pas comestibles ou même consommables. Tout ce qui est noir n’est pas truffe, pas plus que tout ce qui est blanc aussi d’ailleurs. Voici les grandes variétés de truffes que vous serez amenés à rencontrer sur les différents marchés aux truffes, épiceries ou dans les bois…
Tuber Magnatum : truffe blanche d’Alba, Italie
Goût : ail sauvage, échalote et fromage
Maturité : octobre à décembre.
Totalement sauvage, on ne la cultive pas. Sa rareté a fait envoler son prix qui est bien supérieur à la truffe noire du Périgord.
Tuber Melanosporum : truffe noire du Périgord, diamant noir
Goût : inimitable
Maturité : décembre à mi-mars.
C’est le joyau par excellence de la gastronomie.
Tuber Uncinatum : truffe de Bourgogne
Goût : très proche de la mélano mais moins fort.
Maturité : septembre à décembre.
Cousine du Tuber Aestivum, même aspect, odeur et goût plus prononcés.
Tuber Aestivum : truffe d’été ou truffe de la Saint-Jean
Goût : de noisette croquante
Maturité : mai à septembre.
La truffe d’été est cultivée en France et Italie, Elle a tout de même un léger goût de noisette, elle est très croquante et va très bien dans des salades.
Tuber Brumale
Goût : agréable et légèrement sucré, désagréable chez la variété moschatum.
Maturité : décembre à mars.
Elle se récolte sur les mêmes sites que la Mélano qu’elle peut concurrencer fortement.
Tuber indicum, hymalayensis : truffe chinoise
Goût : piètre saveur, mais elle se conserve plus longtemps dans le réfrigérateur.
Elle n’a aucune valeur gustative et sert uniquement à tromper les consommateurs par des vendeurs qui la font passer pour de la Tuber Melanosporum.
L’énigmatique sexualité de la truffe
Ce champignon très prisé est le résultat d’une reproduction sexuée. Mais si on voit bien qui est la mère, le père, lui, ne se laisse jamais attraper.
Un pacte mystérieux avec l’arbre
Comme toutes les stars, la truffe vit à l’abri des regards et préserve sa vie privée. En trente ans de travaux, Francis Martin, directeur de recherches à l’INRA à Nancy (Institut National de la Recherche Agronomique), n’a toujours pas percé tous ses mystères. C’est un champignon symbiotique, qui interagit avec un arbre, le plus souvent un noisetier ou un chêne. Son réseau de filaments microscopiques explore le sol pour récupérer dans leurs racines des sucres, du phosphore et de l’azote, explique le spécialiste. Mais ce dialogue intime reste énigmatique. À chaque printemps, l’arbre produit des milliers de racines colonisées par les filaments du champignon. Quatre à six ans passent. Un jour, la plante envoie un signal au champignon, qui se met à produire des truffes. Mais on ne sait pas quel est le déclencheur du signal : l’âge de l’arbre, la nature des sucres, l’évolution des sols ?
On maîtrise les premières étapes, mais on ne comprend pas tout. La truffe reste sauvage. Grâce au séquençage et à l’identification des marqueurs sexuels, l’INRA vient de faire une autre découverte étonnante. À la sortie de la serre, chaque arbre porte autant de filaments mâles que femelles. Mais cinq ou six ans après, si on analyse les racines de ces mêmes arbres plantés, surprise : Elles portent soit uniquement des filaments de truffes mâles, soit des femelles. C’est la guerre des sexes! Il faut parfois parcourir 100m avant de trouver un arbre avec le sexe opposé, l’arbre les sélectionnerait-t-il ? Mystère…
Un fichier d’empreintes génétiques
En analysant des centaines de marqueurs, les chercheurs peuvent certifier l’origine géographique précise d’une truffe. Leur objectif : compléter leur fichier d’empreintes génétiques qui recense déjà plus de 250 populations actuelles issues de différentes régions d’Espagne, d’Italie et de France. Nombre de trufficulteurs estiment que leur truffe est la meilleure, qu’elle vienne du Tricastin ou du Périgord. Ils voudraient pouvoir identifier leur terroir, comme pour le vin. Voire ré-inoculer de jeunes arbres avec leur propre « cépage » garanti génétiquement… Les scientifiques, eux, tentent de retracer les migrations des truffes depuis leur apparition dans le Sud-Est asiatique et en Australie, il y a dix à quinze millions d’années.
Ne pas se faire avoir comme une truffe !
Pour la majorité des consommateurs, le moyen le plus simple d’accéder aux arômes puissants de la truffe consiste à les acheter en conserve. En plus des diverses variétés, il existe officiellement quatre catégories de produits : au bas de l’échelle, les brisures de truffe guère plus grosses que des grains de semoule, suivies par les pelures, puis les morceaux et enfin les truffes entières. Dans la truffe, rien ne se perd ! Si les truffes de votre petit bocal vous paraissent moins puissantes que des truffes fraîches, c’est que la plupart d’entre elles sont préparées selon la méthode de la double stérilisation. Elles sont stérilisées une première fois, puis on ouvre les boîtes pour en extraire le jus (vendu à part en jus de truffes) et on les reconditionne ensuite pour procéder à une deuxième stérilisation, ce qui en amoindrit le goût. La mention « première ébullition » est le seul moyen de s’assurer que le contenu de la conserve n’a pas subi cette « double peine ».
Les conserves de pelures et de brisures de truffes peuvent comporter un assemblage de truffes des espèces Tuber melanosporum et Tuber brumale. La proportion de l’espèce Tuber melanosporum ne doit pas être inférieure à 30 %. Globalement quelque soit la catégorie du produit, brisures, pelures ou morceaux privilégiez la Tuber melanosposrum pour la truffe noire, si vous lisez Tuber indicum (la chinoise) fuyez !
Vérifiez aussi le poids net inscrit sur la boîte, et refaites mentalement le prix au kilo avant de passer à la caisse ! La différence avec le cours moyen de la truffe fraîche peut être vertigineuse.
Comment cuisiner la truffe fraîche ou en conserve ?
Contrairement aux idées reçues, la truffe est facile à cuisiner. Ce qu’il faut savoir c’est que la truffe fraîche ou en conserve, ne doit pas subir trop de cuisson sous peine de voir s’évaporer ses qualités olfactives et gustatives. Dans certaines recettes, la truffe en conserve ou la truffe surgelée, bien cuisinée peut donner d’aussi bons résultats que la truffe fraîche.
Parmi les recettes les plus simples : brouillade à la truffe, risotto à la truffe, œufs brouillés à la truffe, coeur de brie truffé ou même tartines de truffe, un délice pour un apéro festif. Et pensez toujours que pour avoir une bonne aromatisation de vos préparations culinaires : 10g de truffe par personne suffisent !
Comment déguster la truffe ?
La truffe peut se déguster crue en fines lamelles obtenues grâce à une mandoline, sur une tranche de pain frais tartiné de beurre, sur une salade …. Cuisinée, la truffe se marie très bien avec la pomme de terre, les œufs, le riz ou les pâtes qui arrivent à capter son parfum.
Mais pour une dégustation optimale, il faut savoir que certains ingrédients relèvent encore plus son parfum si puissant : l’ail, la ciboulette, l’oignon, le poireau, le celeri, la crème. Ainsi lorsque vous préparez une omelette aux truffes, nous vous conseillons vivement de frotter votre poêle avec une gousse d’ail qui révélera d’autant plus le parfum de la truffe.
Quel vin pour la truffe ?
Accorder la truffe et le vin vous procurera plus de plaisir. Pour que le vin vienne soutenir ou sublimer son parfum sans l’écraser, on jouera alors sur le contraste ou la similitude des arômes. Le choix du vin dépend de plusieurs critères : de la couleur de la truffe, blanche ou noire, du plat et de la présence aromatique de la truffe dans le plat.
Ainsi pour un gibier ou de la volaille on choisira un grand vin rouge de Bordeaux tel qu’un Pomerol ou un vin rouge de Bourgogne du type Mercurey ou Vosne-Romanée.
Pour des crustacés ou coquillages, on choisira plutôt un vin blanc puissant et charpenté tel qu’un Meursault, un Pouilly Montrachet ou mieux encore un Hermitage ou un Chateauneuf du Pape. Cette association conviendra à la truffe noire comme à la truffe blanche.
Consommée crue et sans viande ou poisson, la truffe noire ira bien mieux avec un vieux Sauternes ou un Meursault.