Personnalité de réputation internationale, Didier Comès (1942-2013) a été un des pionniers de ce qu’on a appelé le roman graphique dès la publication, en 1980, de son album ‘Silence’, prépublié l’année précédente dans la revue bd (à suivre). un ouvrage de 153 planches en noir et blanc, ce n’était pas courant, mais aussi et surtout cet album, qui s’adressait à un public adulte, ouvrait des champs nouveaux et personnels dans l’univers de la bande dessinée. en suivant la destinée tragique de silence, un personnage simple et muet, proche de la nature, Didier Comès met en scène, dans un milieu villageois traditionnel, des thèmes qui lui sont chers et auxquels il donne ici une dimension onirique et fantastique.
Né à Sourbrodt, village belge annexé par le Troisième Reich, Didier Comès, dont le père était germanophone et la mère parlait français et wallon, disait de lui-même qu’il était un bâtard de deux cultures dont les légendes avaient imprégné l’enfance. Adulte, il s’installera dans la campagne theutoise, dans des paysages ardennais qu’on retrouve, ainsi que sa propre maison, dans ses œuvres. Des onze albums qu’il a publiés, Silence est assurément le plus emblématique de sa production. On y trouve trois thèmes qui traversent toute son œuvre : l’être différent, la sorcellerie, la guerre. Couronné au Festival d’Angoulême en 1981, Silence sera traduit en plusieurs langues, dont le breton, et fera l’objet d’adaptations théâtrales.
Plus récemment, c’est une adaptation particulièrement originale qui a vu le jour et rencontré les faveurs d’un nombreux public, en Belgique et ailleurs.
Didier Comès a été aussi un excellent percussionniste de jazz, se produisant aux côtés de Steve Houben et de Guy Cabay. Deux autres musiciens verviétois, jazzmen eux aussi, et qui furent également les accompagnateurs attitrés de Jean Vallée, ont mis au point une adaptation musicale de Silence extrêmement intéressante. Graphiste de profession – ceci explique cela – mais aussi guitariste, Gérard Malherbe et Nicolas Hanlet, pianiste et compositeur, interviennent en direct sur la projection de l’album case par case, seuls les bruitages étant enregistrés. Les musiques choisies sont variées et s’adaptent remarquablement au thème, de larges séquences étant originales et improvisées. À la demande, une courte conférence donnée par Albert Moxhet en introduction, évoque la sorcellerie et les pratiques magico-religieuses en rapport avec le contenu de l’album.
Soutenue en Belgique par la Fondation Roi Baudouin, cette transposition de Silence engendre des réactions de spectateurs qui ne manquent pas d’intérêt. Certains découvrent l’album, ceux qui le connaissent estiment généralement en faire ainsi une nouvelle approche qui, souvent, par la projection case par case, leur révèle des détails qui leur avaient échappé lors de la lecture par planches.
Assurément, l’illustration musicale permet de percevoir une nouvelle dimension dans cette œuvre de Comès dont elle enrichit la lecture en apportant une sensibilité accrue qui entraîne le lecteur-spectateur dans un univers envoûtant.
Texte : Albert MOXHET | Photos : CASTERMAN