On le connaît tous. Sur sa carte de visite, le mot “Ensemblier” pourrait résumer toutes ses vies, dans le désordre: couturier, maître d’hôtel, cuisinier, chroniqueur, animateur de télé. Talentueux, volubile et sympa, il se dédouble aujourd’hui entre Gerald Watelet Interiors, sa belle boutique de décoration d’Uccle et le Marché Serpette, le plus grand marché des Puces de Saint-Ouen, où il cartonne avec deux associés. C’est peu dire que, pour lui, le luxe, c’est…
Le temps! Mais pas celui qui vous manque quand vous êtes otage de l’agenda. Non, le luxe, c’est le temps qu’on se donne à soi, celui qu’on consacre à ce qui a de la valeur à vos yeux. Dans mon cas, c’est le temps que je passe à dénicher ou à créer des objets rares, d’une grande qualité. Artisanale, bien sûr: parler d’Industrie du Luxe, c’est un paradoxe. C’est la société de consommation qui identifie le luxe à l’argent. Ce qui est luxueux, c’est une certaine rareté, qui n’a pas directement rapport avec l’argent.
(Il se lève d’un bond, file sur la moquette de haute laine qu’il a dessinée lui-même et fait produire au Portugal, derrière ses trois Teckels qui ont entrepris de refaire la vitrine du magasin. Revient avec le sourire: “S’ils abîment quelque chose, tant pis, je le garderai pour moi”…)
Ce qui vous entoure, ici comme chez vous, est raffiné et rare, luxueux, oui – mais pas précisément bon marché ?
Evidemment, un prix varie en fonction de l’origine, du coût horaire du travail, de la qualité des choses. Au XIXè siècle, celui d’une étole de dentelle représentait trois ans du salaire d’une cuisinière! Combien de mois la dentellière avait-elle passé dessus? C’est la rareté et la qualité d’une chose qui font le prix. Etre servi, par exemple, c’est un luxe aujourd’hui, mais si on a du mauvais personnel, ce n’est plus du luxe, c’est un emm… En fait, le luxe, c’est très individuel, c’est de se faire plaisir à soi, pas de paraître aux yeux des autres, ni d’avoir. Il n’est pas nécessaire de posséder pour vivre luxueusement. Le matériel a de moins en moins d’importance, on va vers l’être. On consommera moins, mais meilleur.
Votre plaisir de luxe, alors, ce serait quoi?
De chercher, de trouver, de faire fabriquer des objets et des matières d’exception – pas de les garder. Et des plaisirs tout simples, par exemple, de changer de linge de maison tous les vendredis. J’adore me glisser dans des draps bien repassés, amidonnés à l’ancienne, qui sentent bon. Certains s’en fichent complètement, pour moi, c’est une question de culture, d’éducation. Comme la propreté, qui peut être un luxe. De même que bien manger: ça, c’est le premier luxe. On mange trois fois par jour! Alors, la nourriture doit être de qualité. Exemple, la cuisine italienne, admirable et qui repose sur l’authenticité des produits. Vos chaussures, vous êtes dedans toute la journée, elles doivent aussi être de première qualité. Les lunettes, pareil.
Et quand on vous parle des footballeurs à qui on offre des montres de 250.000 euros ?
Ce n’est pas du luxe, c’est du bling bling! Je comprends que, si on en a les moyens et l’envie, on aille chez Rolls Royce ou chez Bentley se commander une voiture, sur mesures pour ainsi dire. Mais le vrai luxe sera de revenir à des choses simples – c’est ce qu’on sent d’ailleurs dans la société, avec toute la vague du bio, même si elle est un peu “gourouesque”. Simples et intemporelles. Tenez, une liberté et un luxe, c’est de pouvoir partir en cinq minutes: ma valise est vite faite parce que je n’ai que cinq couleurs de base et des basics. Je ne porterai pa sun T- shirt “minimaliste” à 120 euros, je suis plutôt essentialiste. L’autre jour, à Lisbonne, j’ai acheté 3 T-shirts pour 20 , ils sont parfaitement confortables.
Vous pensez qu’on peut vivre luxueusement en réduisant son train de vie?
Vous savez, l’être humain ne peut se passer que de ce qu’il a eu…
Interview : Stève Polus | Photos : Olivier Polet
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