DELIRE nom masculin.
Trouble psychique d’une personne qui a perdu le contact avec la réalité, qui perçoit, conçoit et dit des choses qui ne concordent pas avec la réalité ou l’évidence, quelle que soit leur cohérence interne. Au figuré : exaltation, enthousiasme exubérant. (sources Larousse)
FRED KRUGGER ARDENNAIS PURE SOUCHE, ATTACHÉ À SON VILLAGE DE BASSE-BODEUX EST MONDIALEMENT CONNU ET RECONNU DANS LE MICROCOSME DE LA MOTO D’EXCEPTION
Notre région regorge de talents insoupçonnés, dont Fred Bertrand, allias Fred Krugger, plusieurs fois champion du monde de construction de moto custom. Evoquer Fred Krugger, c’est parler d’une véritable star mondiale dans sa discipline. Pénétrer dans l’atelier de Fred Krugger, c’est un privilège. Fred Krugger excelle dans le milieu ultra fermé des designers concepteurs de motos. Il fait partie de la poignée d’artisans qui, sur la planète, sont capables de créer une machine unique, entièrement fabriquée à la main sur mesure. Il est devenu la référence dans le milieu de la customisation. Il fait l’admiration des spécialistes américains.
A quand remonte ta passion pour la mécanique ?
A l’âge de 4 ans, je suis passionné pour les moteurs et je joue les équilibristes sur toute sorte de machines à deux roues. A 7 ans, je commence mes premières compétitions sous les encouragements d’un papa et d’une maman qui vont me transmettre le virus de la mécanique. C’est à 18 ans que j’entame réellement mon entrée dans le monde de la mécanique professionnelle par le biais de différentes formations. Pendant une bonne dizaine d’années, j’améliore mes connaissances en sport auto. Tout y passe, des préparations moteurs aux réglages les plus fins. Mais la tôlerie reste ce que je préfère et modifier l’aspect esthétique des véhicules qui passent dans mes mains me démange déjà.
La vocation est donc présente dès le plus jeune âge, mais quel en est vraiment la dénomination ?
L’objectif de mon travail, c’est innover esthétiquement. Je démarre d’une carrosserie ou d’une mécanique d’une époque révolue que je considère comme intéressante pour la réinterpréter à mon idée, dans une technique perfectionniste et une philosophie anachronique.
Tu crées d’authentiques œuvres d’art, te considères-tu comme un artiste ?
Ce serait prétentieux de me considérer comme tel. Je préfère le qualificatif d’artisan. Je travaille avec mes petites mains. Je n’ai pas une équipe de designers ou d’ingénieurs 3D qui me secondent dans mes travaux. Je démarre avec une idée générale du projet. Je dessine quelques esquisses et puis c’est parti. Je solutionne les contraintes techniques liées au projet qui reste de toute façon fidèle à l’idée de départ. Je suis tout simplement un bon bricoleur.
On peut parler d’inspiration vintage.
Oui et non. Je ne m’inspire pas d’une époque bien précise. Par contre, j’essaye toujours de concevoir une réalisation qui n’a jamais été vue auparavant, innovatrice en terme de design. Je ne conçois pas de copie, mais bien une réinterprétation, généralement très innovante.
Quelles sont les qualités requises pour faire une carrière à la Krugger ?
Outre la passion, il faut avoir le souci du détail, être méticuleux, mais surtout créatif. Il faut évidemment être un minimum habile de ses mains, acquérir la maîtrise des matériaux employés et une certaine adresse avec les différents outils. Et puis, il faut une bonne dose de patience pour le temps que prennent les projets. Certaines réalisations sont une véritable tranche de vie. Mon projet actuel représente 10.000 heures de travail. Je suis dessus quasiment full time depuis 2014 pour enfin le présenter fin de cette année 2019.
Justement, parlons-en de ce FD Project qui trône ici, au milieu de ton atelier. C’est quoi ce bazar de fou ? N’essaye pas de me faire croire que ce véhicule va rouler un jour.
Pourtant, je t’assure que fin de cette année, le FD Project sera présenté au public et qu’il roulera bel et bien.
Tu as remballé tes plans de motos pour te focaliser sur la création de cette voiture hors du commun, complètement improbable, totalement unique. Un prototype monstrueusement beau, sauvage et brutal, tout droit sorti de ton imagination.
Je travaille depuis longtemps sur ce projet. C’est un rêve que je réalise avec le soutien de deux mécènes, riches industriels, qui comme moi aiment les belles choses. Nous avons réuni nos passions communes pour créer une œuvre d’art à quatre roues. Ils me laissent carte blanche. J’avais d’abord pensé à une voiture basée sur la vitesse, dans le but de la faire concourir sur le lac salé de Bonneville. Nous avons dévié sur un ouvrage développé en priorité sur l’esthétisme, faisant passer la performance au second plan, même si le FD Project développe quand même 750 CV. Ce véhicule est au croisement de la mécanique et de l’œuvre d’art, une interprétation des glorieuses voitures de course d’avant- guerre qui possédaient de grosses motorisations.
La qualité de la réalisation rivalise avec la richesse de l’imagination, mais pourquoi avoir baptisé ce projet FD ?
Tout simplement parce que les financiers du projet s’appellent François Fornieri et André Dupont. Tous deux fervents amateurs d’art et aussi enthousiastes que moi dans l’évolution de ce projet.
La voiture, une fois terminée, ne sera donc pas ta propriété.
Non, elle appartient à ces deux mécènes qui m’ont permis d’obtenir le budget nécessaire à la réalisation d’un travail qualitatif hors du commun. Le FD Project sera exposé dans les plus beaux salons, aux concours d’élégance de Chantilly, de Pebble Beach… Vu l’exclusivité du produit et la spéculation galopante qui accompagne ce style de réalisation, l’investissement de ces deux hommes d’affaires ne devrait pas être improductif. Tout en sachant qu’ils sont avant tout collectionneurs et que ce projet est à but artistique et non pas lucratif.
As-tu d’autres projets ?
J’ai aussi un projet moto pour le compte de Triumph. Je n’ai évidemment pas oublié ma passion pour les deux roues. Cela me permet de varier les plaisirs et de ne jamais tomber dans la monotonie. Quand je ne m’occupe pas de ma petite famille, je fais un peu de moto de trial ou du rallye avec une vieille Golf GTi que j’ai retapée.
Avec succès, n’as-tu pas réalisé un temps scratch aux dernières Legends Boucles de Bastogne à bord de cette vieille GTi ?
Oui, mais c’était dans mon jardin, dans l’étape spéciale de Basse-Bodeux que je connais par cœur. Les organisateurs m’ont privé de cette petite jouissance intérieure en rajoutant 30 » à mon chrono,s ur je ne sais quel critère. Je pense qu’ils ont estimé qu’une petite Golf GTi ne pouvait faire le meilleur temps devant des pilotes de la trempe de Thierry Neuville. Mon statut de star du rallye fut donc éphémère et je m’en fiche complètement.
Le petit Fred est devenu grand et les commandes ne manquent pas.
Je n’ai pas trop le temps de flemmarder. Je ne manque pas d’idées. Les projets fourmillent dans ma tête. Je travaille pour des particuliers nantis, des sociétés ou des marques proprement dites. Ces commandes signées m’ont permis d’être plus à l’aise avec mon banquier pour construire mon atelier, ma maison, créer ma société, acheter du matériel, j’ai même une nouvelle camionnette. J’ai un agent qui s’occupe des sponsors, de ma communication, de mes partenaires, des réseaux sociaux et de mon image. Les marques avec qui je travaille ne sont pas contraire à l’idée de s’attirer un peu de capital sympathie. Je me challenge continuellement et je ne crains pas de me diversifier. Pourquoi ne pas construire un bateau ou un avion ? Quoique un avion, il risquerait de s’écraser (rire). Ah oui, j’oubliais, je vais lancer une ligne de fringues haut de gamme.
Tu n’es pas encore prêt à te reposer sur tes lauriers.
Je suis beaucoup trop jeune pour ne rien foutre de mes journées.
Je capitalise pour une fin de vie paisible qui me permettra de sortir de temps en temps de l’atelier et profiter sereinement des petits plaisirs de la vie comme aller aux sports d’hiver. Chose que je n’ai jamais faite.
Pour des raisons évidentes de confidentialité, nous ne pouvons vous en dire plus sur ce délirant FD Project. Encore un peu de patience…
Krugger
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Interview Damien Chaballe
Crédit photo : Thierry Dricot