Le trublion radiophonique et télévisuel est une des références de l’humour belge impertinent. Il est à la base de l’immense succès rencontré par l’émission « Le Grand Cactus ». Il décoiffe les auditeurs de Vivacité par ses chroniques quotidiennes. Sur scène, ses spectacles attirent un public toujours plus nombreux, friand de ses vérités ou délires issus d’une plume acerbe, trempée au vitriol.
Jérôme de Warzée, né le 1er septembre 1970 à Uccle, est comédien, chroniqueur, humoriste, animateur, un véritable cumulard. Comme quoi, il n’y a pas qu’en politique que… Rescapé d’un premier métier : moniteur d’auto-école, qu’il aime définir comme profession à risques élevés et où il faillit perdre la vie à de nombreuses reprises, Jérôme de Warzée se fait connaître comme champion de Scrabble sous le nom de Jérôme Lemaire. Et oui, au Scrabble comme dans bien d’autres disciplines, il y a des champions et même une équipe nationale !
Jérôme de Warzée, Jérôme Lemaire, ce sont des noms d’emprunt ?
En fait, je m’appelle Jérôme Guy Albert Philippe le Maire de Warzée d’Hermalle. C’est en tout cas ce qui figure dans les papiers de l’état civile. Ils ont eu du mal à la maison communale d’inscrire tout ça sur ma carte d’identité. Avec un nom pareil, on pourrait croire que je suis issu d’un milieu riche, d’une certaine noblesse, mais il n’en est rien. J’ai passé une enfance que je souhaite à tout le monde, dans un petit cocon à Bruxelles. Une jeunesse tout ce qu’il y a de plus normal, sans mauvaise fréquentation dans un milieu aisé mais sans plus. Mon vrai nom n’étant pas toujours facile à porter et tout à fait inadapté au monde du spectacle, j’ai fait comme mon père, j’ai choisi la première particule. Mon papa comédien a débuté sa carrière sous le nom de Michel Lemaire, mais il existait déjà un comédien se dénommant ainsi. Il a alors choisi Michel de Warzée, et quand vint mon tour de monter sur les planches, j’ai également pris le nom plus simple et moins ronflant de « de Warzée ».
Vous n’êtes donc pas originaire d’Hermalle ?
Non, pas du tout, je suis un pur Bruxellois. C’est vrai qu’à une certaine époque, ma famille possédait un château à Hermalle sous Argenteau. La légende insinue, ou tout du moins, c’est ce que ma grand- mère raconte, que ce château de famille a été perdu par mon arrière arrière grand-père. Endetté, Il jouait aux dés. Il ne devait pas être très doué car il a tout perdu.
Avec un papa comédien, votre destinée est toute tracée. Que pense-t-il de la carrière de son rejeton ? Il doit être fier du succès de son fils ?
Il est un peu partagé. Lui, il est passé par l’école classique, le conservatoire, l’IAD, il est un des derniers comédiens à avoir été engagé à l’année au théâtre national. Il a joué tous les rôles classiques mais également des pièces comiques, fort éloignées de Molière et Racine. En le voyant dans la pièce « Chez Willy », qui a fait un tabac dans les années 90, je me suis fait la réflexion que ça devait être sympa comme métier. En fait, j’ai arrêté l’école à 16 ans et j’ai alors fait plein de petits boulots : serveur dans une pizzeria, vendeur dans un magasin de sports, j’ai même dépanné dans un peep show (rires)… J’ai été instructeur de conduite pendant de longues années et n’est qu’à 33 ans que je me suis intéressé à l’écriture et à la comédie qui étaient loin d’être le but premier de ma vie. Lors de mon premier spectacle, qui était loin d’être professionnel, mon père est venu me voir, j’ai reçu son assentiment et j’ai continué …
Cette première vie fut riche en expérience ?
Tous ces petits boulots m’ont apporté beaucoup. J’ai eu un long stage d’observation avant de me lancer comme humoriste. Les cours de conduite m’ont apporté le contrôle de mes émotions. Ce n’est pas une blague ! J’étais tous les jours en danger de mort ! Et je suis sûr que sur scène, cela m’a beaucoup servi au niveau du self control. Mais toutes ces années passées avant ma carrière d’humoriste m’ont surtout permis d’acquérir une culture sans laquelle je ne pourrais pas faire ce que je fais.
CERTAINS S’ABSTIENNENT DE PARLER PENDANT DES ANNÉES
Pur autodidacte ?
J’ai tout appris sur le tas. J’ai fait plein de petites scènes. Puis je suis parti pendant sept ans jouer à Paris.Cabarets, cafés théâtres, festivals, centres culturels… sans promotion, c’était parfois un peu compliqué de jouer en division 2. Je me suis professionnalisé avec manager, site internet et tuti quanti, mais en 2009, j’ai failli tout arrêter. Je ne m’amusais plus. L’ambiance à Paris était glaciale. Je me suis dit que la seule chose que je voulais vraiment faire était l’écriture. J’ai travaillé dans une émission de François Pirette qui est morte de sa plus belle mort après 6 mois. J’ai participé avec beaucoup de plaisir à l’écriture des émissions des frères Taloche qui sont sympas et professionnels, à l’antipode de Pirette. Puis en 2010 tout c’est accéléré en décrochant un contrat dans l’audio-visuel dans une émission de Thomas Van Hamme. Je pense que c’était une bonne décision et surtout, cela m’a donné une visibilité formidable !
L’actualité politique est votre principale source d’inspiration ?
C’est vrai que nos politiciens sont assez truculents. En Belgique, on n’a jamais de mal à trouver de l’inspiration à ce niveau-là. Il y a tellement de bagarres de pouvoirs et de guéguerres d’ego.
Quelle est la recette du succès du Grand Cactus ?
L’humour en plateau télé est un défi difficile. Il y a déjà eu beaucoup d’expériences malheureuses. Dans le Grand Cactus, on n’a pas pris des gens au petit bonheur la chance en espérant que la sauce prenne. On a choisi des personnalités qui se connaissaient déjà bien, qui se complètent et fonctionnent bien ensemble. On a une trame rythmée avec une équipe formidable formée de personnalités talentueuses comme : James Deano, Kody, Martin Charlier, Freddy Tougaux, Pablo Andres, Adrien Devyver, Sarah Grosjean, Bénédicte Philippon, Fabien Le Castel, Karen De Paduwa, Angélique Leleux, Mathieu Debaty, Carmela Giusto et nos 3 chroniqueurs … ça fonctionne plutôt pas mal ! On devait faire 6% de part de marché minimum pour continuer. Et dernièrement, on a fait 22%… Sans se la péter… ‘Le Grand Cactus’, ça cartonne ! Surtout que le jeudi soir, la concurrence est féroce avec le foot, la série sur la Une, le film inédit d’RTL, … Une moyenne de 350.000 spectateurs, c’est 3 X plus que le taux moyen habituel de la chaîne. C’est vrai que Pirette fait mieux que nous, mais lui, il passe le dimanche soir et à part le jardin extraordinaire, il n’y a rien en face. Mais je ne critique pas son émission, ce qu’il fait, il faut le faire ! On ne peut pas comparer l’incomparable non plus.
Comment se prépare un Grand Cactus qui termine sa 4ème saison ?
Je gère personnellement à l’élaboration de ce mastodonte qui se répète généralement tous les 15 jours. Je fais appelle à 3 co-auteurs dont Christophe Bourdon et Julien Demarche qui écrit également pour Alex Vizorek. Je leur envoie une base d’idées. C’est un peu leur devoir. Je réceptionne leurs textes, j’écris les miens et de tout cela, je lisse, je peaufine, j’imagine la trame et j’assume mes choix. Quand tout est écrit, les textes sont envoyés aux comédiens qui ont le loisir de demander certaines adaptations qui sont assez rares, vu le manque de temps qui nous est imparti entre deux émissions. L’enregistrement se passe dans un studio de Liège pour son public chaleureux. La RTBF souhaitait que l’émission se passe en direct, mais c’est impossible, on n’aurait pas tenu deux mois. Les comédiens sont bien cadrés, sans improvisation, du moins normalement, car il y a quelques hystériques dans l’équipe (rires).
Jérôme de Warzée a-t-il encore le temps de fomenter d’autres projets ?
Actuellement, ce n’est pas le boulot qui manque. Radio, spectacles, livres, chroniques, 16 « Grand Cactus » l’année, je n’ai pas trop le temps de penser à demain. Mais je ne m’en plains évidemment pas. J’avoue être plus cumulard qu’un politicien véreux, mais il faut bien vivre. En radio j’ai un peu levé le pied. Fabian Castel me remplace le mardi et le jeudi. Le Grand Cactus est au maximum de ses possibilités. Pour combien de temps ? C’est difficile à dire. Je voudrais en faire un peu moins l’année, histoire que je me pose un peu, mais la RTBF désire que nous gardions le rythme. C’est clair, ma vie est un peu surchargée, mais j’ai quand même un projet ou plutôt un rêve qui trotte dans un coin de ma tête, c’est d’écrire un jour une série. En suis-je capable ? Je suis vierge de tout, je n’ai suivi aucune école de scénariste, Une série dramatique et humoristique à la fois. Je suis fan de la série 10 pour cent. Un jour, qui sait ? Continuons à monter, allons voir ce qui se passe plus haut…
Interview : Damien CHABALLE | Photos : Jérome de WARZÉE