L’origine du problème des chiens errants en Roumanie date des années 80, lorsque Ceausescu a fait pousser d’immenses barres d’habitat social en y interdisant la présence des animaux domestiques. De là, les Roumains habitués à vivre dans des maisons individuelles ont abandonné leurs animaux dans les rues et les entrées de villes. Sans aucun contrôle, ces chiens se sont reproduits et ont proliféré. Voilà comment aujourd’hui, Bucarest compte entre 50 000 et 60 000 chiens errants.
Depuis 2013, le gouvernement roumain mène contre les chiens des rues une véritable politique d’extermination. Face à la violence des traitements qui leur sont infligés, des associations se mobilisent pour les sortir de cet enfer.
Jusqu’il y a peu, j’ignorai totalement cette situation. Et c’est au hasard de Facebook que j’ai rencontré l’association WOF. Petit groupe de bénévoles particulièrement sensibles à la condition et la souffrance animale, ils ont décidé de créer leur propre association afin de lutter de la façon la plus efficace possible contre la cruauté et le déni dont sont victimes des milliers d’animaux. Cette association a pour vocation d’aider les animaux de France et d’ailleurs, victimes d’abandon et de maltraitances. Elle soutient plusieurs refuges en Roumanie et a donc pour but d’ouvrir le chemin vers la liberté à ces animaux, de leur faire quitter l’enfer qu’ils vivent au quotidien dans la rue ou les fourrières mouroir. Ayant adopté un petit Richie, lors du rapatriement du 12 janvier 2019, il me tenait particulièrement à coeur de leur donner la parole au travers d’un entretien avec Emilie Wissinger, membre de l’association et à l’origine de la création de la Ferme WOF.
WOF TROIS LETTRES POUR SAUVER LES CHIENS DE RUE…
Emilie, que signifie WOF ? Quelle est l’objectif de votre association ?
WOF est née fin 2015 à la suite de différents voyages et sauvetages que nous avions effectué avec d’autres associations. Lors de l’un de ces voyages en Roumanie, nous avons pris sous notre aile un petit chien laissé pour mort dans une cave, Sasha… il n’avait pratiquement aucune chance de survie, incapable de boire et de manger par lui-même. Au fil des jours et des mois, ce petit chien nous a donné une belle leçon de vie et est aujourd’hui méconnaissable ! Suite à ce sauvetage en particulier, nous avons décidé de créer une association différente, qui aurait pour vocation d’aider en particulier tous ces chiens qui n’ont plus aucune chance, une association autonome, avec une équipe de passionnés. Béatrice, fondatrice de WOF, a donc décidé d’acheter un camion, ce fut le point de départ !
WOF (Way of Freedom) signifie le chemin de la liberté, petit clin d’œil au parcours de Sasha, et de bien d’autres chiens sauvés depuis !
Au fil des mois, puis des années, de nombreux bénévoles de France, de Suisse et de Belgique ont rejoint l’association, et nous formons aujourd’hui une équipe très éclectique, mais rassemblée autour d’un point commun, la passion et l’amour sans limite des animaux !
Comment en est-on arrivé à une telle situation en Roumanie pour ces chiens et chats ?
Le gouvernement roumain n’ayant jamais mis en application aucune mesure efficace pour la stérilisation de ces chiens, mis à part l’entassement en fourrières publiques, la situation s’est bien entendu empirée au fil des années. En 2013, suite à un évènement dont personne ne peut décrire les circonstances exactes, le gouvernement a déclaré que les chiens des rues constituaient une menace pour la population et a pris certaines mesures.
Les fameux dogcatchers ?
Les dogcatchers, chargés d’attraper ces chiens, sont payés au nombre de chiens capturés. Les pratiques sont atroces et sans aucun respect (chiens entassés dans des camions puis jetés dans des fourrières mouroirs, dans lesquelles ils seront parfois maltraités, torturés, ou exécutés). La politique officielle veut que les chiens soient euthanasiés après 14 jours en fourrière s’ils ne sont pas réclamés ou adoptés, mais beaucoup n’atteignent même pas ce délai, emportés par la maladie, le manque de nourriture ou tués dans des bagarres.
Il y a d’autres associations qui viennent au secours de chiens en Roumanie, comme par exemple l’association Mukitza, Remember Me, Charly Le Blanc… Travaillez-vous ensemble?
Il y a énormément d’associations qui viennent en aide aux chiens roumains, les allemands par exemple sont très impliqués dans les sauvetages ainsi que dans les campagnes de stérilisation, je pense notamment à l’association Vierpfotten, très connue en Roumanie. En France également beaucoup d’associations sont impliquées, mais malheureusement même tous ensemble nous n’arrivons pas à tous les sauver, et nous devons tous faire face à des choix douloureux souvent…. Nous travaillons de temps en temps en partenariat avec d’autres oui, pour des sauvetages, ou pour des rapatriements, en mai 2017 par exemple nous avons fait un gros sauvetage d’une quarantaine de chiens condamnés de la fourrière d’Oltenita avec l’association TierEngel-Grenzenlos. Nous accordons énormément d’importance au suivi de nos protégés, donc nous préférons rester autonomes par rapport à leur placement, mais par contre nous sommes toujours présents pour aider d’autres associations lors de sauvetages ou pour rapatrier des chiens bien entendu !
Quels critères faut-il remplir pour pouvoir accueillir chez soi un chien roumain ?
Comme la plupart de nos adoptions se font à distance, il est important d’avoir une procédure bien définie et la plus sécurisée possible afin de connaître au mieux les familles. Nous demandons avant tout à tous les adoptants de compléter un formulaire qui reprend dans les grandes lignes leurs conditions de vie.
Après discussion avec l’ensemble de l’équipe, une de nos bénévoles prend contact avec la famille potentielle afin de faire connaissance, prendre des informations complémentaires, expliquer les démarches, donner souvent aussi des précisions quant au caractère du chien, etc. Si l’appel est positif, nous lançons alors une pré visite, afin de rencontrer les familles et de s’assurer que l’environnement convient par rapport au chien que la famille a choisi. Nous incitons au maximum nos familles à venir lors des rapatriements, car il s’agit d’une expérience magique, et inoubliable surtout, mais également d’un moment important pour les conseils éventuels, cependant comme ce n’est pas toujours possible nous organisons également des covoiturages.
ILS ATTENDENT UNE FAMILLE…
Quelles sont les précautions à prendre pour accueillir ces chiens ?
Il n’y a pas de critères qui définissent la famille idéale car chaque chien est différent. Pour l’ensemble des petits roumains il est tout de même important d’avoir un environnement sécurisé, ce sont des chiens qui ont vécu à la rue, et qui sont extrêmement intelligents, ils trouvent donc facilement une faille dans le grillage par exemple ! Les chiots demandent plus de présence, les chiens âgés sont souvent plus tranquilles, mais à nouveau il n’y a pas de règles prédéfinies. Pour les chiens handicapés ou très craintifs, un environnement spécifique est nécessaire, et nous étudions cela au cas par cas bien entendu. Le plus important pour nous est que les familles soient impliquées dans le sauvetage, prêtes à aimer leur petit protégé tel qu’il est et à assumer les éventuelles difficultés liées à son passé.
Ces chiens ou chats sont-ils plus difficiles à éduquer, au vu de leur passé ?
En effet parfois ils sont plus difficiles à éduquer, notamment ceux qui ont passé des années en refuge, ou les chiots qui ont manqué de leur mère et qui se révèlent un peu diaboliques au moment de l’adolescence. Nous sommes convaincues qu’il n’y a pas de chien impossible à éduquer, et c’est l’un des points les plus importants abordés lors de la démarche d’adoption. WOF est adepte de l’éducation positive, et l’association est depuis peu suivie par un comportementaliste qui accompagne nos familles à l’arrivée, afin de donner les premiers conseils qui peuvent faciliter l’intégration dans la famille. Le suivi de nos protégés est l’élément le plus important pour nous, il ne s’agit pas simplement de faire adopter des chiens, il s’agit également de s’assurer qu’il seront heureux tout au long de leur vie, c’est pourquoi nos bénévoles sont toujours à la disposition des adoptants pour toute question, et que dans les cas où l’adoption ne fonctionne pas, pour l’une ou l’autre raison (malgré toutes les précautions prises cela peut arriver quand même) nous préférons récupérer les chiens afin de pouvoir retravailler avec eux et leur retrouver ensuite une famille adaptée.
Comment se passent les sauvetages-rapatriements de la Roumanie vers la France, la Belgique et la Suisse?
La plupart de nos rapatriements se font par camion, avec un arrêt en Franche-Comté et un arrêt dans l’Oise. Parfois nous organisons le rapatriement par avion des chiens trop âgés ou handicapés pour qui le voyage en camion serait trop long. Ce sont nos bénévoles qui font le voyage à chaque fois, il est important pour nous de prendre soin des chiens durant le transport, et de pouvoir nous organiser de façon autonome, ce qui permet aussi des rapatriements plus fréquents en fonction du nombre d’adoption. Ces voyages mensuels ou bimestriels nous permettent aussi d’amener des croquettes et autres dons à nos refuges partenaires, et aussi de passer du temps avec les chiens sur place, pour les connaître mieux, et pouvoir conseiller les familles quant au choix du chien.
A ce jour, combien d’animaux ont été sauvés de l’enfer de la rue grâce à WOF ?
A ce jour, WOF a sauvé plus de 600 chiens roumains, une dizaine de chats ainsi qu’une cinquantaine d’animaux ici en France et ailleurs. Les animaux n’ont pas de frontière, nous venons donc également régulièrement en aide à des chiens et des chats en détresse peu importe leur provenance. Récemment nous avons également fait le sauvetage de deux petits veaux condamnés qui ont trouvé refuge à la ferme WOF. Nous avons à notre charge en permanence une cinquantaine de chiens entre le refuge de Carmina qui a été récemment déménagé dans une belle habitation au grand terrain offerte par une de nos adoptantes, et les différents sauvetages que nous plaçons en pension spécialisée en attendant leur adoption. Les appels à l’aide en Roumanie sont quotidiens et malgré le nombre élevé d’associations il est très compliqué d’arriver à tous les prendre en charge. En dehors du refuge de Carmina, nous aidons également le refuge d’Oana qui compte environ 250 chiens, ainsi que la fourrière publique de Miroslava, gérée par Emma.
Quels sont vos projets à venir ?
Parmi nos nombreux projets, le plus important actuellement est la construction d’une structure d’accueil en France, afin de pallier à la surpopulation dans nos refuges roumains et de permettre également aux chiens les plus compliqués de par leur passé d’être rapatriés afin d’évoluer plus sereinement en attendant de trouver leur famille. Plusieurs chiens ont déjà eu la chance d’être rapatriés à la ferme WOF, mais nous manquons cruellement de fonds pour la construction d’une nurserie, de plusieurs enclos ainsi que la mise aux normes de la ferme pour la faire reconnaître comme refuge agréé. Notre projet roumain est quant à lui l’aménagement du nouveau refuge de Carmina, avec la aussi la construction d’espaces sécurisés pour nos protégés. Nous souhaitons également organiser plusieurs campagnes de stérilisation en commençant par la fourrière de Miroslava, mais également dans les villes et villages car la stérilisation est vraiment la clé pour parvenir à diminuer le nombre de chiens dans les rues, et donc aussi le nombre de malheureux…
ASSOCIATION WOF
L’association est enregistrée sous le numéro W943004277 auprès de la sous-préfecture de L’Hay- les-Roses. Loi 1901. Numero SIRET 81821411600019
114 rue Jean Jaurès
94800 Villejuif
FRANCE
freedomwof@gmail.com
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